Au début d’août 2013, l’Association des producteurs de bleuets du Nord annonçait en conférence de presse à Moncton son intention de créer une coopérative afin de gérer les terres de la Couronne propices à la culture du bleuet sauvage.
La décision de l’Union nationale des fermiers du Nouveau-Brunswick (UNF – N.-B.) d’appuyer les producteurs de bleuets du Nord-Est dans la création d’une coopérative qui gérerait les terres et les baux consacrés à la production de bleuets s’inscrit dans une démarche complémentaire aux positions prises antérieurement par l’organisation.
En tant que président de l’UNF –N. B., je n’ai eu aucun mal à faire la part des choses entre les paroles de Jean-Maurice Landry et celles du ministre Paul Robichaud. Quand M. Robichaud tente de ridiculiser M. Landry et d’insinuer qu’il n’est pas représentatif des producteurs, il est simple de comprendre qui a raison dans ce dossier et qui nous devons appuyer comme producteurs agricoles et comme citoyens de cette province.
Les efforts déployés par ce groupe pour la création d’une coopérative qui gérerait l’ensemble des terres affectées à la production agricole de bleuets dans la province nous semble une solution viable à long terme afin de gérer la distribution du bien public.
Si les producteurs de bleuets du Nord-Est craignent la venue d’une usine de transformation dans leur région, ce n’est pas l’usine qui les effraie, car celle-ci leur donnerait accès à un marché de proximité, ce qui serait bénéfique pour eux. Ce qui les dérange, c’est plutôt le transfert d’une grande superficie de terres propices à la culture du bleuet à l’entreprise Oxford Foods.
En s’appropriant ces terres, ce producteur transformateur – qui s’affiche comme le plus gros producteur de bleuets sauvages du monde – pourrait répondre à la majeure partie de ses besoins en bleuets et, par le fait même, créer un surplus sur le marché, ce qui ferait chuter les prix considérablement et lui permettrait de s’approvisionner à un prix nettement inférieur au coût de production pour combler le reste de ses besoins en bleuets.
Cela pourrait aussi entraîner la chute de plusieurs autres producteurs et, du coup, réduire substantiellement le prix des terres ou des baux consacrés à la culture du bleuet dans cette région de la province. Par la suite, ces terres deviendraient disponibles à une appropriation par l’usine de transformation ou par un producteur affilié, à peu de frais.
Les politiciens voient parfois dans la grande agriculture et les usines de transformation un moyen de s’assurer des votes et une réélection. Malheureusement, très souvent, les petites et moyennes fermes créent tout autant sinon plus d’emplois que les grandes usines sans qu’on en fasse cas dans les médias.
Si on ne peut nier que la construction et l’exploitation d’usines de transformation créent des emplois, force est de constater que ces emplois et ces investissements viennent souvent de l’extérieur de la région et de la province, apportant très peu d’investissements du milieu de proximité. Il en va de même pour la machinerie spécialisée qui, bien souvent, est fabriquée à l’extérieur.
L’entreprise Ocean Spray, à Rogersville, en est l’exemple parfait. Le premier ministre Graham avait fait miroiter aux médias plus de 50 emplois et des dizaines de millions de dollars en retombées économiques. La réalité est tout autre : la majorité des contrats sont allés à des travailleurs de l’extérieur, et, abstraction faite de quelques emplois saisonniers durant la récolte, un – un seul – emploi à temps plein a été créé.
Nous soutenons la création d’une coopérative comme le prescrivent les producteurs de bleuets. Nous devons consacrer toute notre attention à la réalisation de ce projet. Nous souhaitons aussi que M. Olscamp, en tant que ministre, mette tout son poids politique dans la balance afin d’en faire une réalité concrète, lui qui se targue d’adhérer à la philosophie de Moses Coady, père des coopératives en Atlantique.
Les ressources et la richesse qui se créent grâce aux coopératives peuvent sembler moins importantes que les millions de dollars engendrés par la grande entreprise – des dollars qui font élire des députés. Mais le partage de ces ressources est durable, car ceux qui en bénéficient viennent d’ici et ont à cœur le développement de leur petite entreprise ainsi que la continuité de la ferme et de leur collectivité.
Souhaitons que la population voie au-delà des écrans de fumée créés par des politiciens soucieux d’assurer leur réélection et qu’elle soutienne les efforts de producteurs qui cherchent à garantir une distribution équitable des richesses de leur milieu.
Ecrit par Jean-Eudes Chiasson, Président de l’UNF au N.-B.