Par Rébeka Fraser-Chiasson, membre du CA de l’UNF-NB, et copropriétaire de La Ferme Terre Partagée à Rogersville, N.-B.
Le mois dernier, j’ai été demandé d’adresser les participants à la conférence biennal du Réseau d’action pour la sécurité alimentaire du Nouveau-Brunswick. La préparation pour l’adresse et pour le panel de l’après-midi m’a permis de réfléchir sur la sécurité alimentaire et la place des fermiers dans la conversation et l’action sur l’accès à une alimentation saine.
La sécurité alimentaire – l’accès pour tous à une alimentation suffisante, de bonne qualité, sécuritaire et abordable – c’est une objectif louable, grand et absolument nécessaire. On se doit de le garder en tête lors de nos activités quotidiennes. En tant que fermière, j’y pense surtout quand on réfléchit sur qui consomme nos aliments. Notre objectif, n’est certainement pas atteint simplement parce qu’on peut gagner notre vie de notre production. Ca ne sera jamais assez de juste avoir plus de marchés des fermiers ou plus de restaurants qui servent de la nourriture locale si cette nourriture ne se rend pas à tous. Notre projet est clairement plus grand, mais c’est aussi ici qu’on voit que cette définition, de sécurité alimentaire, manque. Elle ne nous explique pas la piste à suivre : qui devrait produire cette nourriture, comment, où, sa distribution, et encore plus.
La définition de souveraineté alimentaire crée donc une place cruciale pour les fermiers puisque ce sont les “ouvriers” dans la construction de notre système alimentaire. Plus que produire pour produire ou pour gagner notre vie comme n’importe quel autre métier, nous pourrions nous voir plutôt comme ceux qui mettent la main à la pâte pour faire de ce projet de société qu’est l’alimentation juste, équitable et durable quelque chose de concret et réalisable.On n’a pas à réinventer la suite par contre. Autant que la sécurité alimentaire est l’objectif, la souveraineté alimentaire est cette piste à suivre. Défini par La Via Campesina, le plus grand regroupement de paysans au monde, elle dit que « la souveraineté alimentaire est le droit des peuples à des aliments sains et culturellement appropriés, produits par des méthodes écologiques et durables, et leur droit de définir leurs propres systèmes agroalimentaires ». Avec ce type de définition où on parle non-seulement de l’accès mais de la production et du contrôle des communautés et des peuples sur son système alimentaire, on s’assure que nous sommes sur la même voie. On ne risque pas l’appropriation de la définition de sécurité alimentaire par des grosses chaînes, des multinationales, des compagnies transgéniques qui peuvent nous faire croire un objectif louable pour faire avancer des politiques agricoles dans leurs intérêts.
C’est peut-être de cette façon qu’on peut aussi s’assurer une relève agricole. Quand les jeunes finissent le secondaire avec le désir de devenir infirmier ou enseignant, on assume toute suite que c’est à cause d’un désir d’aider les gens ou de contribuer à leurs communautés. Lorsqu’un jeune veut se diriger en agriculture, on n’en vient pas nécessairement à la même conclusion. On assume qu’il ou elle aime les tracteurs, le travail de la terre ou travailler à l’extérieur. Mais le fait de promouvoir tous ces aspects du travail de la ferme – l’indépendance, le plein air, le contact avec les animaux, et bien d’autres, tout en faisant valoir le métier comme un service publique, louable, qui sert à nourrir une population et à mettre en pratique la vision qu’à une communauté pour assurer sa souveraineté alimentaire, ne pourrait-il pas aller chercher bien des jeunes motivés, enthousiastes, et visionnaires?