Le 19 septembre, 2016
Les producteurs de bleuet sauvage du N.-B. ont fait face à une des plus difficiles saisons de leur histoire : de solides rendements, des prix exceptionnellement bas, la fermeture des centres d’achat, une nouvelle unité de transformation qui n’avait pas été conçue pour traiter des petits fruits récoltés dans des petites boites comme la plupart des producteurs l’ont fait jusqu’ici, des rendements excellents au Québec et des surplus de la dernière saison ont créé une parfaite tempête avec des tensions élevées et des niveaux de stress records pour de nombreux acteurs.
Les producteurs sont devenus de plus en plus loquaces concernant les défis auxquels ils étaient confrontés, ils se sont tournés vers les médias et les protestations comme dernier recours pour se faire entendre. Contrairement à ce que plusieurs pensent, cela n’a pas été leur premier recours – mais plutôt le résultat d’avoir été poussés à l’extrême après avoir travaillé dur pour respecter les règles du jeu pendant de nombreuses années sans avoir été entendus ou reconnus.
Durant les quatre dernières années, les producteurs ont averti le gouvernement qui appuyait la vente de près de 16 000 acres des meilleures terres de la Couronne et les subventions accordées à la nouvelle usine de transformation d’Oxford Frozen Foods, que cela ne créerait pas de nouveaux emplois ni de prospérité pour l’industrie tel que le gouvernement le promettait. Les lettres écrites, les rencontres organisées, les tentatives de travailler à l’intérieur des structures actuellement en place ont toutes été sans succès ; un processus, en marche depuis trois ans pour obtenir qu’un office de commercialisation régional soit formé, a été retardé par le gouvernement à plusieurs reprises – avec plus récemment, une consultation publique en mai de cette année, de laquelle les producteurs attendent encore les résultats et les étapes à venir.
Comme le ministre Doucet l’a dit à l’Union nationale des fermiers au Nouveau-Brunswick et aux producteurs récemment : « C’est compliqué. » Cela peut vous surprendre, mais, je suis d’accord avec cette déclaration – il existe depuis des années des alliances historiques, des disputes, des manques de ressources du gouvernement pour les petits producteurs, et plus récemment la création d’un système de monopole verticalement intégré dirigé par Oxford Frozen Foods. J’ai entendu des histoires de producteurs de tous les côtés et de toutes les régions ; à un moment ou un autre presque tous ont été intimidés ou exclus par soit le gouvernement, les transformateurs, l’agence de commercialisation provinciale et même par d’autres producteurs.
Même quand je pense combien la situation est compliquée, une citation me revient à l’esprit :
Chaque système est parfaitement conçu pour obtenir les résultats qu’il produit – Paul Batalden
Cette citation ne dit pas que tous les systèmes ont été conçus avec une planification prudente et avec des considérations pour les résultats et les conséquences imprévues, parfois, au début, la conception n’a pas été bien raisonnée et le système est involontairement conçu pour obtenir les résultats qu’il obtient.
Il se pourrait que dans une tentative désespérée pour créer plus d’emplois dans la province, l’ancien gouvernement ait préparé un système dans lequel un gros joueur arriverait rapidement avec sa propre production primaire, à satisfaire les besoins de son usine de transformation. Un système qui laisse les plus petits producteurs à la merci des quatre principaux acheteurs, et craintifs de critiquer publiquement quoique ce soit, de peur d’avoir une excellente récolte et mystérieusement nulle part pour la vendre. Un système qui adopte pleinement l’agenda néolibéral qui accorde beaucoup de pouvoir aux grandes corporations multinationales, qui deviennent comme un genre de ‘sauveteur’ pour les économies rurales chancelantes (un système qui n’a pas encore augmenté la richesse individuelle nulle part au monde – sinon qui la concentre plutôt dans les mains d’une minorité). C’est un système qui n’a pas de place pour la participation des plus petits producteurs, pour la négociation des prix ou pour parler de ces injustices qui sont souvent présentées comme étant « le progrès » ou comme étant « le développement ».
Tel qu’identifié dans la récente annonce du Plan de croissance économique du N.-B., les bleuets sauvages seraient une occasion unique pour le N.-B. parce que nous sommes une des rares régions au monde avec les conditions de croissance appropriées. Dans les conversations qui ont suivi, avec les ministres et le personnel de l’administration qui travaillent sur ce dossier, cela signifie vraiment mettre en place la Stratégie du secteur des bleuets sauvages 2013-2018. Toutefois, ce document est truffé de promesses pour l’avenir, on y encourage les producteurs nouveaux ou expérimentés à s’agrandir. Plusieurs y ont cru et maintenant ils s’interrogent sérieusement sur les investissements qu’ils ont faits lorsqu’ils constatent la chute des prix courants durant ces dernières années. D’autres cherchent à vendre leurs terres à Oxford dès cette année à cause de la baisse de la valeur du marché des terres à bleuet qui est censée continuer à baissé durant les prochaines années et les gens tentent de s’en sortir pendant que « la sortie » est encore décente.
Un secteur des bleuets dynamique n’est pas celui dans lequel les producteurs sont presque asservis aux grandes corporations, dans lequel ils reçoivent continuellement des prix de plus en plus bas, alors que les transformateurs détiennent la plus grande part des profits. Un secteur dynamique en est un dans lequel plusieurs producteurs individuels sont capables de gagner leur vie, d’exploiter leur entreprise, de créer des emplois dans leur collectivité et dans lequel le N.-B. peut fièrement se vanter que les bleuets sont produits par des hommes et des femmes qui vivent et travaillent au N.-B.
L’Union nationale des fermiers au Nouveau-Brunswick demande au gouvernement de prendre des actions fermes et immédiates :
- D’annoncer publiquement les résultats du plébiscite du mois de mai de cette année sur la création d’un office régional de commercialisation, ainsi que sur la décision définitive à ce sujet ;
- De créer un mécanisme fondé par les producteurs pour négocier les prix et garantir que les paiements finals ajustés sont fait aux producteurs après que les fruits ont été vendus sur le marché mondial ;
- D’entreprendre une revue complète et approfondie sur comment les producteurs s’organisent et se représentent, y inclus tous les intéressés : les producteurs de toutes les grandeurs, le gouvernement, les transformateurs et les organes représentatifs.
Chaque système est parfaitement conçu pour obtenir les résultats qu’il produit. Travailler avec le système actuel va continuer à donner les mêmes résultats. La bonne nouvelle, c’est qu’il est encore possible de concevoir un système qui permet vraiment la pleine participation de tous les producteurs de bleuet quelle que soit leur grandeur – cela va exiger un dialogue franc, un travail ardu et un engagement de tous les intéressés qui souhaitent voir ce secteur accroitre les revenus nets des fermes individuelles – et non pas seulement de l’ensemble des exportations et des bénéfices du produit domestique brut.
Amanda Wildeman
Directrice générale, Union nationale des fermiers au N.-B.